- Entretien avec Laurent Boyer sur Europe 1
- 06.11.1999
- Marianne Cassini
[Il manque un bout de l’enregistrement, il commence en plein milieu d’une phrase]
… et des textes qui touchent tout de suite Jean-Jacques. On a eu un résultat qui était beau et on était très contents de ça.
Laurent Boyer : Et ça a marché. Ca a fait un énorme succès à la rentrée. Ca a été un très joli titre. Et alors entre-temps, Madame va faire un album. Et alors la surprise c’est que Carole Fredericks arrive avec un album en français. Alors là, on est tous assez surpris de t’entendre chanter français. Enfin, on sait que tu sais le faire…
Oui mais… Le premier album était gospel et blues. C’était pour m’annoncer et dire voilà, je vais essayer de faire mes premiers pas un peu toute seule mais jamais toute seule parce que la famille est toujours là. Et c’est très bien. Je tiens à ça parce que j’y arrive bien comme ça. Mais j’avais envie de chanter en français cette fois-ci parce que je me suis dit, mon public est français, ils sont là même s’ils ne comprennent pas ce que je dis, et cette fois-ci, je voulais qu’ils comprennent un peu.
Oui, ce que tu racontes, ce que tu évoques…
Ca me touche. Il y a beaucoup de gens qui disent : tu chantes en français et ça me touche énormément. J’ai un accent tordu bon ben j’ai un accent tordu. C’est comme ça !
Et ben oui mais ce n’est pas dérangeant je trouve !
[rire] En tout cas tu ne pourrais rien y faire !
Non mais on comprend bien. Tu n’as pas un accent tordu. Tu as une pointe d’accent. Ca donne, j’allais dire un côté exotique, mais ça donne quelque chose de surprenant et d’assez étonnant ! Tu avais ce choix d’avoir des textes en français. Alors justement, comment tu fais le choix sur les textes ? Jacques Veneruso est toujours là. C’est la bande…
Oui il y avait Jacques Veneruso. Et Christophe Battaglia qui a réalisé l’album et Jacques qui m’a mis les chansons avec aussi Yvonne Jones qui m’a écrit une chanson [« Mighty love »], Jean-Jacques aussi [« Respire »]. J’avais fait une reprise d’une chanson de Jean-Jacques, une de mes chansons préférées. Voilà, il y avait la famille qui amenait les chansons. Et Mickaël Jones [« Ecope »]. J’ai eu ma chanson de Micky et je suis très contente ! Je n’avais pas dirigé les gens pour les textes, mais il y en avait vraiment dans lesquels je me retrouvais dedans et j’étais contente.
Alors il y a un texte qui s’appelle « Vain », qui est signé justement Carole Fredericks.
Oui, c’est en anglais. Mais bon moi je n’écris que des textes en anglais. Il y a des gens qui sont beaucoup plus futés que moi en français ! J’en ai fait une, mais il y a neuf chansons qui sont en français et avec des textes qui touchent et qui m’ont touchée. On a pris notre pied en faisant cet album et on espère que ça va plaire au public parce que nous, on en est contents.
Oui, c’est le premier truc : il faut se faire plaisir d’abord et après ça passe tout seul.
Ca passe tout seul mais on l’espère. Espérons…
[Pause musicale]
Carole Fredericks est avec nous cet après-midi, elle passe une heure sur Europe 1, pour évoquer ce tout nouvel album qui vient d’arriver, puis une tournée. Elle va se balader un petit peu… Enfin elle est là, elle chante en français, « Couleurs et parfums ».
Tu disais tout à l’heure : j’ai repris une chanson de Goldman, « Au bout de mes rêves ». Une chanson écrite par Jean-Jacques, qui est la chanson avec les Poetic Lover… Le bout de ton rêve, c’est quoi ? Ca serait quoi d’aller au bout de ton rêve ?
Ouf !
Est-ce que tu en as ? Lesquels sont-ils tes rêves ?
J’ai beaucoup de rêves. Je ne vais pas citer certains parce que c’est trop personnel, mais un de mes rêves c’est d’avoir la chance de continuer de faire mon métier, d’avoir des gens qui viennent me voir et m’écouter, d’avoir toujours une voix, avec une bonne santé. Ca c’est un rêve parce que déjà de faire ce que je fais, c’est quand même incroyable. Parfois je me dis que ce n’est pas vrai, ce n’est pas moi ! [rire]. Je vis mon rêve, presque tous les jours mais j’aimerais bien que ça continue. Et comme je dis, même si c’est dans une petite pièce avec 50 personnes ou avec 50 000 personnes, que les gens aient toujours envie de m’écouter et m’apprécient.
Et toi, avoir envie de chanter, je présume que ça c’est une passion !
C’est tout ce que je sais bien faire. [rire de Laurent Boyer]. C’est ce qui me rend heureuse, totalement. Et surtout lorsque je suis sur scène, c’est la seule chose qui efface tout. C’est tellement fort cette drogue de la scène parce que quand on y monte, on oublie tout. On donne. La réalité est là mais pendant deux heures, je suis ailleurs, avec les gens. C’est incroyable…
Tu es ailleurs, tu es transportée…
Pas complètement…
Carrément… Ca t’a pris à quel âge ? C’était la famille, je l’ai évoqué souvent avec toi mais quand tu t’es rendue compte que tu avais une voix incroyable…
Je savais, depuis que j’avais 5 ans en maternelle, que je voulais être chanteuse. Je chantais tout le temps. Je me souviens qu’un matin, il pleuvait et on ne pouvait pas sortir dans la cour pour jouer. Et moi j’étais montée sur le petit bureau et j’ai chanté ! {rire]
Ah, tu faisais ta vedette ! Tu faisais ta vedette devant les copains ! A ton avis justement, pour donner une indication à des gens qui ont des enfants en bas âge. Quand on a envie de chanter comme ça très tôt, qu’on a du talent, qu’on a repéré cette voix… Parce que c’est un don !
Carole Fredericks : Ha bah ça c’est un don oui…
Ca vient, on ne sait pas pourquoi, mais ça se travaille comme tous les dons. Est-ce qu’il faut laisser aller et pousser les enfants à chanter ? Leur donner la liberté de chanter ?
Surtout s’ils en ont envie. Même si ce n’est pas avec un but professionnel. C’est un équilibre dans la vie. C’est la balance dans la vie. C’est quelque chose de créatif. Si c’est le piano ou la peinture. Si c’est quelque chose de créatif, c’est bien. Il ne faut pas empêcher les gens d’assouvir leur passion. Il ne faut pas…
hum… il faut les laisser aller… C’est le conseil que tu donnerais. Comme quoi ça marche et ça porte parce que ça fait un petit moment que Mademoiselle chante justement [rire de Carole Fredericks]. Enfin, elle, c’est autre chose, parce qu’elle est issue d’une famille d’artistes. Ils chantent tous chez toi ?
Oui, il y a des professionnels, des mi-professionnels et d’autres qui ne le sont pas du tout mais ils chantent quand même. J’ai un petit frère qui est batteur-chanteur, un grand frère qui est chanteur de blues, musicien très connu, ma sœur qui est chanteuse-actrice, un autre frère qui est peintre-sculpteur-chanteur-acteur, metteur en scène-danseur…
Dans cette famille, je le dis à chaque fois, mais sachez qu’il y en a qui sont extrêmement connus. Taj Mahal, c’est un des frères de Carole Fredericks, le frère ainé est une vedette internationale. Enfin, c’est un monument. Tous tes frères et sœurs sont artistes, mais est-ce que tes parents l’étaient ?
Maman était chanteuse. Elle chantait dans un Big Band. Elle chantait à l’époque dans un Big Band avec le fils de Dug Hallyton. Papa était pianiste et parolier. Et ils ont arrêté pour élever leurs enfants, parce que Taj Mahal est le seul à être né à Harlem. Taj Mahal qui s’appelle Henri mais bon ! [rire de Carole et Laurent]. Il est né à Harlem et après mes parents ont abandonné leur carrière. Maman était diplômée pour être institutrice et professeur et papa a pris un autre travail dans une usine. Ils ont déménagé à Springfield. On est tous nés là-bas.
Carole Fredericks est avec vous cet après-midi sur Europe 1. J’essaie de repasser un petit peu le parcours exceptionnel de cette Américaine, qui est venue s’installer chez nous, qui y reste, qui se sent bien ici, et qui fait même l’effort cette fois-ci, de faire un album en français. Voilà. Et ça, c’est pas mal…
Carole Fredericks est avec nous cet après-midi sur Europe 1, en raison de la sortie de son nouvel album. Je vous le disais tout à l’heure, elle l’a fait en français, « Couleurs et parfums ».Moi je trouve ca étonnant. Il y a 20 ans que tu es ici Carole, tu es enracinée dans cette culture française, tu as eu un succès énorme. On parlait du trio tout à l’heure, à la rentrée, tu étais n° 1 avec ton titre, et les Poetic Lover qui sont venus chanter avec toi. Je trouve ça étonnant que tu fasses en plus cet effort… Dans cet hégémonie de la culture américaine, ce côté planétaire de la culture américaine, toi tu vas dans le contresens et tu dis : je vais chanter en français ! Le français swing moins que l’Américain et je dis ça à une Américaine, dont c’est la langue maternelle !
Il y a 20 ans, on pouvait dire ça. Mais quand on écoute Native, Lââm, Larusso, des rappeurs comme MC Solaar, Passi, Menélik, les Tribal Jam des gens qui arrivent à faire swinguer la langue !
Ha les petits bordelais, ils sont formidables…
Ils y arrivent, il y a 20 ans c’est vrai, c’était lourd. Dans les chansons françaises, ce sont les textes qui sont très importants. Il faut comprendre les textes. Là, ils arrivent à faire swinguer et comprendre les textes. Et c’est très important. Je sais que quand j’étais en train d’enregistrer mon disque, je voulais me concentrer sur la prononciation. Et après j’ai dit : voilà maintenant ça va, oublie tout, mets le feeling.
Le feeling, c’est plus US, c’est plus américain ? Mettre le feeling sur la musique… Cette façon de chanter que vous avez… Tu es en train de me dire en fait que, parfois, les chansons américaines sont un petit peu légères dans le texte ? Heureusement qu’on ne comprend pas ?
Non mais ce n’est pas ce que je dis ! Il y a des textes qui sont très forts par des gens qui écrivent très bien. Il y a James Taylor. Il y a des gens qui écrivent des textes à tomber par terre. Mais, dans la langue anglaise, on peut dire « I love you » pendant 30 minutes et le faire swinguer de toutes sortes de façon ! Mais on ne peut pas dire « Je t’aime » pendant 30 minutes ! Il faut qu’on dise quelque chose. Il faut qu’il y ait une suite. Moi, j’essaie de le faire à ma façon. Il faut quand même respecter certaines choses. On ne peut pas lâcher la liaison parce que ça ne sonne pas ! [rire de Laurent].
Oui, il faut apprendre à la prononcer !
Exactement.
Mais tu as dû refaire encore un travail différent puisque tu avais cette façon de swinguer [Laurent claque des doigts], d’envoyer les mots, avec cette phonétique américaine, et là parfois, comme tu dis, tu peux être embêtée par une liaison, qu’il faut assurer en français. Couleurs et parfums par exemple. Couleurs prend un « s » donc on dit couleurs « zé » parfums…
Oui, mais en même temps, quand j’ai enregistré les voix définitives, je ne chantais pas plus que trois fois. Parce que je me suis dis que si je ne l’ai pas en trois fois, je ne vais pas l’avoir. Je laisse tomber et je reviens un autre jour. Parce que tout ce qui est spontanée, tout ce qui est feeling, ça vient, « boum ». Moi je suis comme ça enfin je parle pour moi. Tout le monde a sa recette. Parce qu’au bout de vingt cinq fois, tu ne vas pas l’avoir. C’est mon cas.
C’est ce qu’on disait. Une chanteuse de scène ou de feeling tout à l’heure. Voilà c’est ça. C’est qu’il faut faire des prises et il faut qu’elle le sente…
Et souvent, il y a certaines chansons, « voix déf » qui était la voix que je faisais pour les maquettes.
Ha d’accord. C’est ce qu’on appelle la voix définitive, la voix du disque. C’est une chanson qu’elle avait faite tout au début, pour placer la voix et voir l’ambiance de la chanson…
Et il y avait certaines chansons, on a dit « Jacques a dit » voilà on a. J’avais rechanté mais on avait dit : on a parce que c’était là.
Alors, ce travail… Je vois qu’il y a Veneruso sur l’album. Il y a la clique de Jean-Jacques Goldman, qui sont tous tes potes, tous ceux qui sont là depuis le début.
C’est la famille…
Oui. Tu bosses en famille… Jean-Jacques t’a dit « Je veux faire des chansons » ? Je vois qu’il y a « Respire »… Il y a du Goldman… Ca sent le Goldman… Il y a même Yvonne Jones, une copine, qui a signé un titre, qui a même fait des textes, qui fait un duo avec toi et qui a fait un texte sur une autre chanson américaine… Comment tu as travaillé ? Tu as dis : « je veux faire un album, je veux des textes en français », tu as appelé Jean-Jacques, Yvonne Jones, Veneruso…
On en parle pendant un déjeuner, un dîner ou au téléphone. Et j’ai dit « tiens, si tu fais quelque chose, si tu as une idée ». Jacques [Veneruso] m’appelle tout le temps… Depuis trois ans, je tourne avec mes musiciens, « Les Dragons », et mes deux anges, Yvonne [Jones] et Maria. Jacques venait souvent pour voir les progrès que je faisais. Il était toujours là, il avait toujours des idées. Je lui ai dit : « montre-moi ce que tu as ». Il avait des chansons qui étaient tellement taillées pour moi ! J’ai dit : « Ok ! C’était super ! ». Mais c’était facile d’avoir des chansons, parce que eux savaient ce qu’il fallait me montrer.
C’est Carole Fredericks qui est avec vous cet après-midi.
[Pause musicale]
Carole Fredericks est avec vous cet après-midi sur Europe 1. Ca me fait bien plaisir. En raison de la sortie de ce tout nouvel album, « Couleurs et parfums ».
Carole, je t’ai demandé de choisir un invité, ou une invitée. J’aimerais que tu nous présentes la personne que tu as choisie en toute liberté.
Carole Fredericks : Bon, la personne que j’ai choisie s’appelle Nicole Amovin. C’est l’une de mes plus grandes amies, que je connais depuis 1986. Une belle Sénégalaise, qui est comme ma sœur, comme ma petite sœur. On a eu beaucoup de parcours ensemble et ça continue. Je chante même avec elle notre chanson préférée sur mon album et je suis très fière de l’avoir sur l’antenne aujourd’hui.
Alors, Nicole, [Laurent Boyer dit un mot en wolof]
[Discussion en wolof]Salut Nicole, bienvenue
Nicole Amovin : Salut.
Vous avez une chanson toutes les deux…
Nicole Amovin : Oui…
« Kaai Djallema »… Et vous l’avez chantée en wolof en plus…
Nicole Amovin : Oui, moitié wolof, moitié en anglais.
Et ça lui donne une belle couleur à cette chanson. C’est assez surprenant. Vous vous connaissez depuis combien de temps ?
Nicole Amovin : halàlà…
Carole Fredericks : Depuis 86, ça fait 12 ans.
NA ; Oui…Et vous vous êtes connues en chantant ensemble ?
Nicole Amovin : Non, par l’intermédiaire d’une amie qui fréquentait la même église qu’elle. L’église américaine…
Carole Fredericks : 65, quai d’Orsay…
Nicole Amovin : Voilà… C’est une amie anglaise, qui me l’a fait rencontrer, tout à fait par hasard. Depuis cette période là, ça n’a pas arrêté. On a partagé des tas de choses, comme elle le dit.
Mais tu chantes aussi toi, Nicole.
Nicole Amovin : Oui, tout à fait.
Mais le fait de chanter avec Carole Fredericks, est-ce que tu suivais sa carrière ? Est-ce que tu étais proche d’elle ?
Nicole Amovin : Ben, depuis 86 oui [rire]
Carole Fredericks : Oh oui oui ! On a vécu ensemble pendant 8 ans !
Nicole Amovin : Oui, on a habité ensemble, sous le même toit pendant 8 ans. J’étais dans les valises de Carole quand elle était en tournée, qu’elle allait bosser, qu’elle allait en studio… A l’époque, je terminais mes études ou j’en reprenais, selon ma disponibilité. Donc voilà, j’étais toujours dans les valises de Carole !
Est-ce que tu l’as emmenée un petit peu à Dakar ?
Nicole Amovin : Un petit peu ? Beaucoup ! [rire de Nicole et Laurent]. Elle est colonisée maintenant !
Carole Fredericks : Moi je fais partie de sa famille, je suis la grande fille.
Nicole Amovin : C’est pour ça que tu m’appelais « Diryenké ». Ce sont les belles femmes sénégalaises…
Carole Fredericks : Rondes !!!
Nicole Amovin : Bien en chaires…
Carole Fredericks : Voilà !!!
Nicole Amovin : remplies de bijoux, très belles et tout…
Carole Fredericks : Vas-y ma chérie, j’envoie le chèque [rire]
Nicole Amovin : … qui dirige d’ailleurs le Sénégal parce que, entre guillemets, les hommes du Sénégal [Mot en wolof] comme on dit…
Oui oui, ce sont les femmes qui dirigent un peu l’histoire, qui tiennent un peu la famille, heureusement.
Carole Fredericks : J’ai une petite chose à dire Nicole, sur ses premières séances de chœurs. C’était sur « A nos actes manqués ».
Nicole Amovin : ha oui, du temps de Fredericks Goldman Jones !
Carole Fredericks : Ah oui !!! Sa première démarche dans le métier était sur ce disque là. Elle avait une voix tipiquement sénégalaise. Haute perchée, et qui passait à travers tout ! On disait : « Tu vas de l’autre côté de la pièce s’il te plait ! » Mais c’était super !
Nicole Amovin : On m’a dit : « Nicole, tu pourrais te mettre un tout petit peu derrière les autres ? » Alors je me suis dit : « Mince alors, on me demande de participer, de faire les chœurs et on me demande d’aller derrière ! » [rire de Carole et Laurent]. J’étais profondément vexée. Je faisais ma tête des mauvais jours. Du coup, Carole m’a dit : « Ecoute, ne le prends pas mal, c’est parce que ta voix porte tu comprends ? » Je me suis dit : « Mais c’est le monde à l’envers. On me demande de faire des chœurs et on me demande d’être derrière les autres ! » [rire de Carole et Laurent]. Mais bon, avec le temps, j’ai appris quand même beaucoup de choses, grâce à elle et bien d’autres. Des petits copains, des potes qui ont des petits groupes et puis voilà, depuis ce temps, je n’ai pas arrêté. Mais j’ai énormément appris, grâce à elle.
On dit d’ailleurs que la musique sénégalaise essaie de s’implanter en France par diverses manières, notamment le RAP sénégalais.
Nicole Amovin : Ah, oui…
Il y en a pas mal. Moi j’avais vu ça au CCF et j’avais vu des groupes là-bas. Ils sont assez surprenants. Ils essaient de monter, de faire des trucs…
Nicole Amovin : Il y en a quelques uns, mais je pense que le rap, c’est comme partout. C’est le biais que les jeunes ont trouvé pour s’exprimer. Le Sénégal, comme tous les pays en voie de développement, ou pays pauvres, le chômage existe, encore pire qu’ailleurs. Le RAP a une grande place.
Carole Fredericks : C’est bien fait en plus…
Nicole Amovin : Oui oui…
Dis moi Nicole, de qui est venue cette idée ? Est-ce que c’est Carole Fredericks qui t’a proposé de venir faire ce titre de Cyndi Lauper avec elle, de réécrire les paroles, mélanger le wolof et l’anglais ?
Nicole Amovin : Mais en fait, tu sais, Carole dit que notre histoire a démarré depuis les années 86. Et puis dans les années 93, un jour ça lui a pris et elle m’a dit : « Nic, écoute, il faudrait qu’on se trouve une chanson à toutes les deux, qu’on pourrait interpréter, qu’on pourrait chanter ». Mais l’idée ne m’avait pas germée de le sortir, de faire un truc avec. C’était juste pour chanter, pour le fun. Parce que bien sûr, Carole, tout le monde l’a connait. Elle chante quand elle se réveille, quand elle dort elle chante [rire de Laurent], quand elle est dans la salle de bain elle chante. Moi je l’ai toujours vue comme ça.
Oui, tu as vécu avec elle, donc tu peux confirmer qu’elle chante tout le temps.
Nicole Amovin : Elle chante tout le temps…
Merci Nicole d’avoir été avec nous !
Nicole Amovin : C’est moi. Je vous fais un gros smack à tous les deux [rire de Carole]
Bon, je t’embrasse très fort.
[Carole et Nicole parlent en wolof]Tu parles le wolof un peu ou pas ?
Carole Fredericks : Je parle un peu. Je parle plutôt des mots un peu « hum hum » comme tout le monde ! Non, mais je sais dire bonjour, au revoir, merci… Mais parfois elle me parle et je comprends. Et moi je me dis : mais pourquoi je comprends ? Elle me pose des questions, je réponds en français et je me rends compte après qu’elle m’a parlé en wolof. Mais bon…
[Pause musicale]
Carole Fredericks, cet après-midi, sur Europe 1, qui s’exprime en français, qui nous fait un album en français, qui nous fait partager son intimité, son enthousiasme, sur son amie, Nicole Amovin, qu’on vient d’écouter à l’instant, et puis toute sa bande, la bande de Goldman, Veneruso. Tous ses potes quoi, ceux qui sont avec elle depuis le début. C’est assez surprenant. Nicole parlait tout à l’heure de ton église américaine. Tu vas, de temps en temps, chanter à l’église ? Est-ce qu’ils te demandent de faire les chœurs ?
Je n’ai jamais chanté dans une église américaine sauf j’y vais pour les messes, mais je n’ai jamais chanté dans une chorale, parce qu’avec mon emploi du temps…
Donc tu le ferais. C’est un problème d’emploi du temps mais tu le ferais facilement je présume.
Ce n’est pas le genre de chansons que j’aime bien chanter chaque dimanche [Carole chante, puis Carole et Laurent rient]. C’est bien une fois pour dire merci mais…
Comment te vit la communauté américaine qui est installée en France ? Tu croises des Américains qui vivent ici également comme toi. Comment ils vivent ton succès ? Est-ce qu’ils t’en parlent ?
Je ne sais pas. C’est drôle, je n’ai pas beaucoup d’amis américains.
Ah bon ?
J’ai beaucoup de connaissances. Je n’ai pas quitté chez moi qui rester dans une communauté américaine. Mais bon, j’ai Yvonne Jones, Jacky Simon qui est journaliste. Je peux te dire que sur toute la communauté black, ici, quand je croise les gens, ils me disent tout le temps : « on est fiers de toi ». Et ça me fait beaucoup de choses, parce qu’ils disent qu’on ne voit pas 35 000 blacks à la télé, on n’entend pas des choses dégeulasses sur toi, tu nous fais beaucoup plaisir. Ce n’est pas la communauté américaine, ce sont les blacks que je croise tout le temps et qui me disent tout le temps qu’ils sont fiers de moi, qu’ils sont contents, et ça me rend fière aussi. Je ne suis pas là pour faire la bise à tout le monde mais quand même, ça me touche quand il y a des gens qui disent : tu es notre fierté. Ca c’est quelque chose d’extraordinaire parce que je n’imaginais pas être la fierté de quelqu’un. Mais bon, c’est quelque chose…
Je comprends que ça te fasse plaisir, c’est bien, c’est une belle reconnaissance.
Mais à l’église c’est drôle, parce que souvent, il y a des gens qui me disent : « C’est vous qui passez à la télé ? ». Je leur dis oui. « Mais qu’est-ce que vous faites à l’église ? ». Je leur dis « je fais des prières comme vous ! » [rire]
[rire] Oui c’est pareil… Oui je suis comme tout le monde…
Bah oui !
Est-ce que tu as envoyé cet album-là, « Couleurs et parfums », à ta famille, Springfield, Massachusetts ? Est-ce que Taj Mahal, ton frère, a écouté cet album en français ? Est-ce que tu as déjà eu des feedback de ce pays ?
Pas encore, parce que je n’ai pas encore eu l’occasion de l’envoyer [Carole se racle la gorge]. Il faut que je le fasse parce qu’ils me le réclament. Justement, il y a mon neveu qui est ici, que je n’ai pas encore vu. Il est bassiste et il est avec une chanteuse. Il est en tournée quelque part et j’espère le croiser pour lui donner [rire]. Mais je vais l’envoyer…
Est-ce que tu te verrais Carole, aller chanter (tu as chanté en Californie. J’ai parlé de ton parcours fréquemment, Massachusetts, Californie, tu chantais là-bas et tu es venue en France il y a une vingtaine d’années), faire le tour des universités aux Etats-Unis avec ton album, ou essayer d’aller faire un tour en Amérique ? Non, tu t’en fous ?
Si ça se présente, ça peut être intéressant, mais ce n’est pas dans mes aspirations.
J’adore ça ! Toutes les chanteuses françaises avec qui je bavarde veulent toutes faire une carrière aux Etats-Unis, je veux faire un album en Américain, je veux aller chanter là-bas, et elle, elle s’en fout [rire]
Non mais parce que moi, je suis ici. Si j’ai la France et les pays francophones, parce qu’il y a des pays francophones partout…
Oui, on parlait du Sénégal tout à l’heure…
Oui. Déjà, si j’ai juste la France, je serai comblée [rire]. Donc, les pays francophones, ce serait la cerise sur le gâteau ! Mais bon, je ne dis pas que je suis contre d’aller aux Etats-Unis, mais je me suis dis d’abord que je veux séduire le pays qui m’a accueillie.
He bien… tu séduis ! [rire]
Merci ! [rire]
Je te confirme ! C’est vrai que c’est assez surprenant car tout le monde veut aller chanter en Amérique. Cela dit, tu as une double voix. Tu chantes français ou anglais, tu peux aller effectivement dans les pays francophones ou dans n’importe quel pays, parlant américain…
C’est vrai, aucune force ne me poussait de retourner là-bas et à faire cela. Mais comme je dis, si j’avais vraiment une bonne occasion, je ne vais pas dire non. Mais ce n’est pas quelque chose qui…
Obsédant…
Les choses qui sont importantes pour moi ce sont les gens ici en France et les francophones. Ils m’apprécient et achètent mes disques. Et voilà, je continue c’est tout parce que c’est ici que je vis, que j’habite.
He ben voilà, c’est une leçon de plus.
Elle est avec nous Carole Fredericks. On la retrouve dans un instant.
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Carole Fredericks est cet après-midi sur Europe 1. « Couleurs et parfums », c’est le titre de son tout nouvel album, avec la bande de Goldman, avec ses potes, avec ses copines, Yvonne Jones, Nicole Amovin, Mickaël Jones, tous les copains sont sur cet album…
Jacques…
Jacques Veneruso… Tout ce qu’elle a fait et qui lui ressemble bien. Vous ne pouvez pas vous gourer, c’est elle. Il y a la main sur la photo, qui est étendue et comme le disait Nicole [Amovin] tout à l’heure, elle est toujours plein de bijoux, plein de bagues... Aujourd’hui elle a les cheveux bleus, les ongles bleus… C’est très outrancier ! Il y a les colliers, de l’ambre, il y a tout quoi… Ha c’est un personnage Carole Fredericks [rire de Carole]. Carole, en revanche, tu es retournée aux Etats-Unis pour faire ton clip. J’ai vu ça quelque part, enfin j’ai lu un petit dossier. Tu serais allé en Californie, enfin à quelques kilomètres d’une ancienne ligne de chemin de fer…
Oui oui oui, Fillmore…
Voilà, Fillmore… Alors ça rappelle les concerts du Fillmore East et du Fillmore West et ainsi de suite.
Quand on était petits, à Springfield, mes frères avaient toujours des trains électriques. Il y avait des petits villages qui étaient tellement jolis et colorés. Fillmore est exactement comme ces petits villages [rire]. Et c’était vraiment quelque chose.
C’est à 80 kilomètres de Los Angeles, c’est ça ?
Oui oui, c’était à une heure de Los Angeles et on était debout tous les jours à 5 heures, mais c’était super. Je l’ai fait avec le réalisateur, qui avait fait un autre titre pour moi, « Change ». C’est quelqu’un qui a de la créativité et un savoir-faire… Il est tellement zen… J’adore… Je suis très fidèle. Je n’ai envie de faire des clips avec personne d’autre. Sauf lui.
Assez fidèle. Il y a toujours les mêmes…
Oui parce que quand je trouve les choses qui me bottent, je ne vois pas pourquoi je changerais.
Tu as besoin de partager avec les gens…
Oui, je suis bien avec ces gens-là. Je ne vois pas pourquoi je devrais changer. Il peut toujours y avoir des nouveaux, mais après, ils font partie de la famille [rire]. Mais avec lui, c’était super, vraiment. En plus, on est allés là-bas parce qu’on voulait un clip où il y avait du beau temps, qui va passer pendant l’été. Ici, on n’était pas sûrs. Parce que je voulais faire dans la forêt française, mais bon, il m’a dit « vas-y » mais… [rire]
Quel feeling tu as quand tu retournes aux Etats-Unis, par exemple là un petit moment à Los Angeles ? Ca te fait quoi ? Sympa ?
Oui ça fait vraiment drôle. Et Pingouin peut…
Ah Pingouin est partout : c’est l’homme de confiance, le photographe, le manager… Il s’occupe de tout.
Oui il fait tout le pauvre. Il est…
Il est extrêmement sympa. C’est-à-dire que ça va avec l’image de Carole Fredericks : qui se ressemble, s’assemble. Et c’est bien agréable. Alors Pingoun te disait quoi ?
Il veut me rassurer. Dès que j’étais là, j’étais excitée comme une petite fille : « Oh, je suis chez moi ! Ah, j’ai mon passeport ! », « Ah, vous êtes les étrangers ? » Mais c’était drôle. C’était juste pendant 5 minutes. Après on fait notre shopping vite fait, toutes les saloperies qu’on ne peut pas avoir ici. C’était très bien. C’était trois jours plein de bonnes choses. J’étais heureuse. On a tourné un bon clip. On a eu deux jours de beau temps et le jour où on devait partir, il pleuvait des cordes. J’ai dit : « Oh j’ai eu du bol ! »
Est-ce que tu serais capable de revivre aux Etats-Unis ? Oui probablement mais…
Non.
Non ?
Non.
Tiens…
Non. Visiter oui, vivre non. Je me suis posé la question plusieurs fois, si j’étais obligée de retourner vivre aux Etats-Unis, dans quel coin je pourrais aller. Et [Carole souffle]. Visiter oui mais y vivre non. Après vingt ans, c’est comme par osmose. Il y a des choses qui déteignent sur vous. On peut dire c’est l’Europe, c’est la France… Je ne sais pas, peut-être que je vais aller dans un autre pays européens, je ne sais pas. Mais je ne me vois pas…
Ca ne t’intéresse plus quoi.
Non. C’est mon pays. Je ne renie pas mon pays mais… Non…
Merci beaucoup Carole d’être passée cet après-midi sur Europe 1…
Je vous en prie, Laurent.
Tu es la bienvenue, sache-le et je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais c’est aussi une des seules Américaines que je connaisse de souche qui permet, quand elle bavarde avec nous, ne nous envoie pas des mots en Anglais dans la conversation. Et elle fait l’effort de parler tout le temps en français, le plus souvent possible. Merci mille fois. « Couleurs et parfums », elle fait l’effort de faire cet album en français, pour nous. Ecoutez-le. C’est du Carole Fredericks pure souche et c’est tout ce qu’elle aime qu’elle a mis dedans, son gros cœur comme ça.
Oh merci ! [rire]