• Interview Shine - Jacques Veneruso
  • 21 juin 2000
  • Jean-Michel Royer

En tant qu’auteur compositeur, quelle est ta position face à Internet et au MP3 ?

Je suis très partagé sur la question car je n’y suis pas en tant que consommateur, je commence à y entrer pour le travail mais très ponctuellement. Par contre au niveau du phénomène MP3 et piratage, là évidemment Internet c’est la liberté, y’a de l’excès, y’a plus de frontières. Je pense qu’on a lâché le MP3 mais on n’en connaissait pas les limites. Des fois, ça me fait penser (je vais peut-être un peu loin) au nucléaire, même quand on est écologique de très bon côté, le nucléaire ça sert à sauver des vies, à réchauffer des gens, à vivre par contre on ne sait pas comment l’arrêter quand il y a un problème. Là, c’est pareil.

Si tu le veux bien, nous allons revenir sur quelques moments importants de ta collaboration avec Carole qui remonte, si je ne me trompe pas, à 1986/1988 lors de sa tournée solo de Jean-Jacques Goldman dont tu assurais la première partie avec tes complices de Canada. Comment s’est passée la rencontre, à cette époque-là, avec Carole ?

Tout simplement. Comme avec Jean-Jacques, on s’était croisé, je m’en rappellerai toujours, dans un aéroport où lui il partait et nous on arrivait. On n’était pas au courant qu’il nous connaissait avec la chanson « Mourir les sirènes » qui marchait beaucoup. On se croise, il nous dit juste « J’adore ce que vous faites. Faut qu’on se revoie ». Ca nous a fait plaisir bien sûr et la semaine d’après, il nous a invités au Studio 22. On ne s’est jamais perdu de vue. Il nous a proposé de faire sa première partie dans les Arènes de Nîmes, on l’a faîte. On a fait la connaissance de Carole. Moi, j’ai toujours été fan de musique black, je suis tombé dans le blues quand j’étais petit. Quand j’ai eu l’opportunité de croiser quelqu’un comme Carole qui peut vraiment revendiquer le fait de chanter dans l’esprit du Blues et qui peut revendiquer à 100%, y’a qu’elle !! Une dizaine d’années plus tard, tu composes quatre titres et joues de la guitare sur son album « Springfield ».

Comment as-tu élaboré ces morceaux de blues et de gospel qui ne sont pas habituels à ce que tu avais fait avant pour Florent Pagny ou Johnny Hallyday ?

C’était différent de ce que j’avais fait mais justement c’était l’opportunité pour exprimer quelque chose. Ca m’arrive pas souvent dans ce genre de musique, je suis toujours aller écouter, je faisais ça naturellement, comme les chansons pour Florent. D’ailleurs c’est toujours les chansons qui viennent du cœur. Le blues et le gospel, ça vient du cœur aussi après c’est une question de couleur.

En 1996, sort « Une à Une » de Nanette Workman qui a fait un tabac au Canada et sur « Une à Une », on trouve « B.L.U.E.S » qui ressemble étrangement à « J’ai le sang blues » qu’on retrouve sur « Couleurs et Parfums ». As-tu voulu donner une nouvelle chance à cette chansons peut-être pas terminer à ton goût ?

Complètement. C’est une chanson que j’adore, que j’adorerais par Nanette. Nanette, c’est quelqu’un d’exceptionnelle. C’est la plus grande chanteuse de rock blanche que je connaisse. On a fait la chanson et en France, l’album a un succès très très très limité. Cette chanson, je l’adorerais. Quand j’ai eu à composer pour Carole et quand dans un des textes « B.L.U.E.S, j’ai le sang blues » ça correspondait trop au concept qu’on voulait de « Couleurs et Parfums » dans l’album de Carole. C’était le mélange de musique black et de racines et le côté moderne qui n’était pas dans le version de Nanette, c’est plus rock, c’est le thème de chanson : ce n’était pas possible de ne pas le faire. On l’a remanié et puis bon c’est une chance, un autre profil à la même chanson, mais le cœur reste le même. Elles pourraient la chanter ensemble. Je ne désespère pas que ça se fasse un jour.

Comment as-tu été amené à travailler avec Nanette Workman ?

Nanette, c’est une histoire particulière, si tu veux je te la raconte vite fait. Nanette Workman, en 1977, dans Starmania, elle chante « Quand on arrive en ville » et « Naziland » : Gildas, Gween et moi, à l’époque, on n’écoutait que ses deux chansons. On se demandait qui était cette chanteuse ? Quand on l’a vue en plus, physiquement magnifique. Par le hasard, 20 ans après, son producteur et elle ont écouté l’album de Gildas [NB : « Les gens du voyage » sorti en 1991] où il y a « In the twilght » que j’avais composé vers la fin de Canada. Gildas l’a mis sur son album et elle a entendu ça, ça correspondait à son univers. Elle a voulu connaître Gildas et toute sa famille : c’est Gildas qui a fait la connection.

C’est donc grâce aux chansons de Gildas reprises de ses albums solo par d’autres artistes [Johnny Hallyday « Ne m’oublie pas » (single inédit de Canada) en 1995 sur « Lorada » - Roch Voisine « Jean Johnny Jean » en 1995 et « Mourir les sirènes » en 1998 sur « Chaque feu »] …

Le contact avec Roch Voisine s’était fait aussi dans le même album « Coup de Tête » avec une chanson « Seine et Saint Laurent », c’est la première chanson que j’ai écrite pour quelqu’un d’autre après Canada. On est une famille, quand il y a un qui a l’intention de travailler avec un artiste, il amène les autres.

Est-ce plus facile d’écrire pour quelqu’un qu’on connaît, l’inspiration vient-elle plus facilement ?

Y’a deux formations. Soit je travaille pour quelqu’un qui a de la personnalité et que je connais personnellement mais qui a une image marquée comme Johnny, tu as déjà un moule pour travailler, tu peux pas trop en sortir. Ou si par contre l’artiste n’a pas de personnalitée marquée, il faut que je la connaisse : je ne suis pas un fabricant de chansons. Chaque chanson que j’ai écrite pour quelqu’un d’autre, je les ai d’abord écrites pour moi. Je peux pas les faire chanter à n’importe qui.

En été 1998, sort « Personne ne saurait » que Carole chante avec les Poetic Lover, dont tu es le compositeur. Comment as-tu réagi face à ce succès ?

C’est vrai en tant que single car y’a d’autres chansons qui sont restés sur les albums, ça dépend toujours de qui, il y a côté de toi dans les albums. Malheureusement, il y a des gens qui jugent par rapport à la signature plus que par rapport à la chanson : j’ai toujours lutté contre ça et j’espère qu’on ne prendra pas une de mes chansons parce qu’elle est signée Veneruso qu’on les écoutera avant. Pour Personne ne saurait, ce qui a été agréable, c’est la collaboration avec Jean-Jacques. Je lui ai fait écouté la maquette chantée en yaourt, on avait le projet de faire un duo avec les Poetic Lover. J’ai fait écouté la chanson et il m’a dit « il faut que je fasse le texte », je lui ai dit « Vas-y ». Normalement, je fais mes textes. Ca nous a fait plaisir et le résultat était sympa. C’est agréable, je ne peux dire le contraire, de faire une chanson qui se popularise. Ca rapporte un plaisir, une certaine reconnaissance et voir aussi les gens qui te chantent, c’est magique. J’avais déjà connu ça avec « Mourir les sirènes » [NB : Jacques en a écrit le texte et la musique. A l’époque, le groupe signait collectivement. Aujourd’hui, quand quelqu’un reprend une chanson écrite à l’époque, il marque celui qui l’a écrite plus Canada]

As-tu un message à faire passer à Carole ?

Certainement. Je crois qu’en définitive il y a des gens qui m’ont fait confiance, il y en a d’autres pour qui il y a fallu que je prouve beaucoup de choses. Carole, il n’y en a pas fallu beaucoup. Je voulais la remercier parce qu’elle m’a fait confiance pour un album, pour écrire pour elle. En plus, c’est pas un truc de petites minettes de seize ans pour travailler avec quelqu’un. Elle aurait pu en prendre d’autres sans problème.