mardi 5 avril 2011

Interview Shine - Joëlle Esso

  • Interview Shine - Joëlle Esso
  • En plein jardin des Tuileries, Joëlle Esso (l'une des choristes de la dernière tournée de Carole Fredericks) nous a accordé une interview pour évoquer leur amitié et leurs collaborations.
  • 5 avril 2011
  • Jean-Michel Royer
  • Sabine Coffy, David Quint, Maxime Authier
Yvonne Jones, Carole Fredericks et Joëlle Esso - Collection Joëlle Esso

Yvonne Jones, Carole Fredericks et Joëlle Esso - 2000, Collection Joëlle Esso

Peux-tu présenter ton parcours aux lecteurs de « Shine » ?

Je viens du dessin, je suis dessinatrice maquettiste. J’ai étudié dans une école de dessin puis fait Histoire de l’art en faculté. Par des rencontres totalement dues au hasard, je me suis retrouvée à faire de la musique. J’ai commencé à chanter à l’âge de 20 ans, sans n’avoir jamais chanté auparavant. Je ne suis pas comme les gens qui chantent depuis leur enfance dans leur salle de bain ! Je suis choriste professionnelle depuis 1988, donc 23 ans maintenant. J’ai publié deux albums. Je suis donc illustratrice et chanteuse.

Comment es-tu rentrée dans la chorale des Chérubins de Sarcelles ?

C’est une amie danseuse qui m’en avait parlé. Elle m’avait demandé de l’accompagner pour voir. Cela m’a plu et je suis restée. J’y ai passé 15 ans.

Avant, tu avais fait le cours Simon. Est-ce que tu as suivi des cours de chant au cours Simon ou est-ce à la chorale, au fur et à mesure, que tu as…

Au cours Simon, c’était des cours de comédie, de théâtre. La formation de chant s’est vraiment faite en chorale.

Que penses-tu du travail de la chorale « The Lafayette Inspirational Ensemble » avec qui Carole a collaboré pour l’album « Springfield », qui a la particularité de mélanger autant de voix blanches que de voix noires ?

C’est magnifique, il n’y a rien à dire. De toute façon, le talent n’a pas de couleur : qu’est-ce que cela peut faire que ce soit des voix noires et des voix blanches ? (Rires.)

Ce que je voulais dire, c’est que d’après ce que j’ai lu à leur sujet sur internet, à chaque fois on est étonné de ce mélange si particulier.

Je ne sais pas. Comme j’ai chanté avec toute sorte de personnes, cela ne me parait pas étrange.

Comme s’il y avait un a priori : des gens qui savaient mieux chanter que d’autres, enfin, d’une couleur à la voix.

Je ne comprends pas trop cela. C’est vrai qu’on l’entend.

C’est peut-être français de penser ainsi…

Peut-être, mais du fait d’avoir beaucoup accompagné de gens différents, cela ne me parait pas une incongruité.

C’est un peu comme le leitmotiv de Carole : « peu importe qui tu es, à partir du moment où tu as du talent ».

De toute façon, cela sonne bien sur le disque : c’est l’essentiel ! D’ailleurs, je suis sur la pochette de l’album « Springfield ». Je n’ai pas chanté dessus, mais je suis sur la photo ! (Rires.)

Peux-tu nous raconter ta première rencontre avec Carole ? Il me semble que c’est pendant « Les Enfoirés » au moment de son interprétation de « Oh Happy Day ! » avec Florent Pagny ?

Oui, je crois que c’est « Les Enfoirés » En fait, c’est lors de son duo avec Florent Pagny, parce qu’on a fait des chœurs sur son disque « Bienvenue chez moi ». C’est là qu’ils ont enregistré ce duo et c’était notre première rencontre.

Ils ont profité des « Enfoirés » pour le refaire ?

C’était effectivement avec « Les Chérubins ». On avait fait les voix sur le titre « Bienvenue chez moi ». C’est là que je l’ai rencontrée pour la première fois.

Et là, tu en as profité pour discuter avec Carole ?

On a sympathisé. Je ne sais comment je pourrais définir cela… c’est un coup de foudre amical.

Cela s’est fait naturellement !

Cela m’arrive souvent, j’ai des feelings avec les gens et on ne se pose pas de questions. On n’a pas travaillé ensemble tout de suite après, mais quelques années plus tard. On était restée en contacts sporadiques, on se croisait parfois sur des plateaux télé ou sur des évènements. Une fois, c’était à Roland Garros pour participer à une émission télévisée. On se croisait comme cela, de temps en temps, tout naturellement. Carole était une personne très ouverte et très sociable qui avait des rapports sains et normaux avec tout le monde.

Comment as-tu été amenée à travailler sur la tournée de Carole ?

Je pense que c’était après, quand on a fait la session photo pour son album « Springfield ». Elle m’a demandé mon numéro de téléphone et on a commencé à se rapprocher. Un jour, Carole m’a appelée et m’a demandé si cela m’intéresserait de faire des remplacements quand une de ses choristes avait d’autres engagements. C’est bien d’avoir la même personne qui remplace. J’ai toujours fait beaucoup de remplacements parce que j’aime bien apprendre de nouvelles choses et rencontrer de nouvelles personnes en permanence. De plus, c’est une artiste que j’appréciais bien, donc cela me faisait plaisir aussi de participer à son aventure solo.

Puis un jour, Carole m’a annoncé qu’une choriste partait et m’a demandé si je voulais prendre la place vacante. J’ai dit : « bien sûr, volontiers ! » Elle m’a répondu : « Mais ce n’est pas obligé, tu aurais pu ne pas avoir envie ! », « Si, si, j’ai envie ! ». C’est donc comme ça que j’ai intégré son équipe.

Comment se passe le travail d’avant concert ? Il y a les répétitions ?

Je suis arrivée dans une équipe qui était déjà constituée. Eux, ils avaient déjà le répertoire très fluide. Comme j’ai l’habitude de faire des remplacements, j’apprends très vite et je l’ai travaillé seule. Au premier concert que j’ai fait avec les autres musiciens, on s’est vu à la balance. C’était pour sa formule variété, mais pour sa formule gospel, j’ai participé à des répétitions collectives. Les répétitions se faisaient d’une autre manière. C’était une formule vraiment minimaliste avec juste un pianiste et trois choristes, nous étions cinq sur scène avec Carole. On travaillait d’abord les voix pour bien caler les harmonies, pour trouver un son ensemble. Quelquefois, on peut chanter bien et les voix ne collent pas ensemble. C’est la faute de personne, c’est ainsi. Là, c’était bien, parce qu’en plus, c’était avec Yvonne. Yvonne et Carole se connaissaient depuis des centaines d’années… (Rires.)

Elles travaillaient ensemble depuis tellement longtemps qu’elles n’avaient même pas besoin de (communiquer)…

De toute façon, il y avait déjà une alchimie et cela a fait une bonne ambiance de travail : pas de prise de tête, pas de jugement.

J’ai l’impression qu’il y avait un esprit famille, que chacun peut apprendre de l’autre.

Vraiment familiale comme ambiance, Carole m’a vraiment accueillie comme une grande sœur. Elle était un peu « mère poule », protectrice, mais ça ne me déplaisait pas. Quelques fois, on faisait des répétitions de voix chez elle, à la maison, en se disant que c’était plus sympa devant une tasse de thé, des petits biscuits !

J’ai lu dans une interview que tu as donnée à afroplurielles.com que Carole t’avait lancé un soir, un quart d’heure avant le concert : « Ce soir tu vas chanter en solo »

Oui, parce qu’elle trouvait que j’étais timide. Elle me disait : « Mais pourquoi tu ne chantes pas ? Prends le pouvoir ! », mais ça ne me disait pas grand-chose. Elle insistait : « Ce soir, tu vas chanter et tu vas faire un solo ». Tout le monde avait un solo et je n’en voulais pas ! De toute façon, je m’étais dit que je ne chanterais pas, car je ne savais pas ce que je voulais chanter ! Auparavant, elle me jetait un œil pour voir si j’étais d’accord ou pas, puis elle laissait tomber. Ce jour-là, elle m’a présenté, puis elle est allée s’asseoir au fond de la scène, à côté du batteur en disant : « On l’attend. Elle va faire son solo ! » (Rires.) Je n’avais pas le choix, parce qu’évidemment le public et les musiciens attendaient. J’étais mise devant le fait accompli.

Qu’as-tu chanté comme chanson ?

Je crois que c’était du gospel. Je ne sais plus. J’ai dû improviser quelque chose. Je crois que les musiciens ont dû commencer à jouer quelque chose comme « Papa was a Rolling Stone » ou un titre similaire.

Un coup monté…

Oui. Elle me disait : « Tu te mets en retrait, allez, vas-y »

Visiblement, Carole n’a pas laissé indifférente les artistes avec lesquels elle collaborait parce qu’ils la mettaient toujours d’une façon ou d’une autre sur le devant de la scène.

C’est ce qu’elle m’a dit : « je veux aussi être une passeuse parce que Jean-Jacques m’avait donné la chance »

Ou même Mylène Farmer pendant la tournée en 1989.

Oui, c’est cela. J’ai fait mon petit solo et elle m’a dit : « Tu l’as fait ! Alors ? » J’ai eu quelques sueurs froides, mais ça s’est bien passé ! Après, à chaque concert, il fallait que je fasse un solo comme tous les musiciens et les choristes.

Du coup, cela t’a motivé pour faire tes propres albums ?

Voilà ! Cela me convenait. J’estime que choriste est un vrai métier, ce n’est pas un passe-temps que l’on fait en attendant de pouvoir chanter en soliste. Cela me suffisait. Après, je me dis que pour chanter en solo, il faut aussi avoir des choses à dire. Ce n’est pas juste histoire de vouloir montrer sa tête et être devant. Il faut aussi avoir une vraie envie de communiquer, quelque chose que je n’avais peut-être pas avant.

Est-ce que la disparition de Carole a accéléré le fait de vouloir chanter en solo ?

Oui, car j’ai vécu un moment particulier de ma vie. Dans la même année, Carole est décédée, puis cinq mois après mon père est décédé. J’étais dans une espèce d’introspection et j’ai commencé à écrire des chansons, mais je ne me suis pas dit « je vais appeler des musiciens, je vais faire un album ». J’avais juste besoin de faire des chansons, de traduire des émotions en chanson. J’ai commencé à les maquetter tranquillement chez moi, avec mon magnétophone. Un an après, j’ai fini d’écrire l’album et il y a eu le décès de ma mère. D’abord, Carole, cinq mois après mon père et un an après ma mère. J’avais commencé à enregistrer une ou deux chansons. C’est dans cette année « ennemie » que je me suis mise à… je pense que c’était peut-être le moment. Je ne me voyais pas faire un disque juste parce qu’il faut en faire un et que tout le monde en fait. Cela ne m’intéressait pas plus que ça.

Éviter ce que Carole a fait avec « Black Orchid » en 1979 où on lui a proposé un contrat.

C’est bien aussi de faire ses propres expériences. C’est-à-dire que si l’on a envie de les faire, si on le sent, il faut les faire. Il y a des gens qui font des albums à 18 ans, même si ce n’est pas eux qui écrivent les chansons, ils ont peut-être juste l’envie d’être sur le devant de la scène et c’est légitime aussi. Je n’avais pas envie de faire des choses que je ne ressentais pas. Je n’étais sans doute pas prête à être devant la scène, je ne voulais pas forcer ! J’avais pas mal d’années de métier derrière moi en tant que choriste et j’étais déjà sur scène. Je n’avais pas besoin de plus d’exposition. Cela me suffisait et cela me suffit toujours d’ailleurs ! Je pense que si je fais des chansons c’est pour dire quelque chose et pas pour me faire voir, pour être devant. C’est autre chose. Ce sont deux métiers différents.

C’est pour le plaisir et si quelqu’un y trouve de l’intérêt c’est encore mieux ?

Voilà. Je peux aussi comprendre quelqu’un qui a 20 ans et qui veut être vu. C’est humain.

Il y a en a qui réussissent seulement à 40 ans, comme Alain Bashung.

Voir à 60, comme Cesària Évora. Chacun a son parcours et je crois que l’on n’a pas à essayer de faire comme les autres…

… de dépendre d’un modèle forcément.

Oui, c’est avant tout des expériences personnelles. On peut faire des tubes à 16 ans et faire une carrière et il y en a pour qui cela se fait autrement. Il n’y a pas de règle. Heureusement, c’est un métier où l’on n’est jamais vieux. Tant qu’on a la force et la santé, on peut toujours faire cela. C’est bien qu’il y ait du public pour tous les styles.

Peux-tu nous raconter le voyage au Sénégal avec Carole qui semblait être son troisième pays de cœur ? Avec son amie Nicole Amovin, elles ont visiblement fait plusieurs voyages.

Carole, c’était une Sénégalaise, elle parlait wolof. C’est bizarre, elle disait toujours qu’elle allait finir sa vie en Afrique, qu’elle allait finir « là-bas », que le Sénégal était son pays. Ça ne se discutait même pas, c’était une évidence, elle était tellement à l’aise là-bas.

Une fois, on était ensemble au marché et elle négociait en wolof avec les vendeurs et elle se moquait de moi parce que je ne savais pas parler wolof ! Quand je lui répondais « Je suis Camerounaise, je ne suis pas sénégalaise ! », elle rétorquait : « moi non plus ! » (Rires.) On ne peut pas parler toutes les langues non plus ! Je parle déjà la langue du Cameroun et du Congo, je ne peux pas toutes les parler ! C’était une vraie Sénégalaise de cœur.

C’est aussi quelque part un signe du destin qu’elle soit décédée là-bas, cela aurait pu arriver n’importe où, elle avait l’habitude de voyager partout. Je crois que ce n’est pas anodin. Je ne sais pas, selon la croyance que l’on a… C’est le pays qu’elle avait choisi et le destin a voulu que ce soit là-bas qu’elle meure. Je crois que c’est bien que ce soit arrivé là-bas et pas dans son lit à Paris ou en Australie ou je ne sais où. Cela aurait eu moins de sens. Je ne sais pas comment je pourrais exprimer cela.

… cela correspond à un de ses souhaits

Oui. En plus, c’était après son anniversaire, on avait fini de faire la fête. Il y a eu une conjonction de choses qui font que quelque part elle a été accompagnée.

Comment cela s’est-il passé avec le public sénégalais ?

Le public la connaissait évidemment puisqu’elle allait souvent là-bas, même en vacances. La famille de Nicole était devenue « sa » famille.

Je me souviens d’une interview de Laurent Boyer [NDLR : Europe 1, 1999] où Carole avait invité Nicole Amovin. Elles avaient évoqué le rapport avec le Sénégal et la famille de Nicole.

Oui, c’était sa famille, c’est sûr.

Même « leur fille » !

Absolument. Les Sénégalais la connaissent. Les gens connaissaient ses chansons. Là-bas, à Dakar, elle était à la maison, le lien se faisait tout de suite.

En plus, je pense que c’est un concert plaisir.

Oui, elle parlait beaucoup avec le public. Les gens avaient vraiment un échange. C’est tout de même un beau souvenir, mais doux-amer.

Oui, parce que quand on ne revient pas au complet…

Le voyage de retour fut très spécial : un grand traumatisme, un grand choc. Personne ne pouvait s’y attendre. On a fait la fête toute la nuit, après le concert, puisque c’était son anniversaire, elle ouvrait ses cadeaux. On est rentré le matin à 5 h et à 10 h, on l’emmenait à l’hôpital. Surtout, ce qui était vraiment choquant, c’est le fait que ça n’avait pas l’air grave. C’est-à-dire que le médecin a dit que ça allait, et qu’ils la gardaient pour observation, par mesure de précaution. Il n’était pas alarmant. Elle est partie, elle rigolait, elle nous disait « A tout à l’heure. » Ils ont dit qu’ils la gardaient 24 heures au cas où.

Le soir, on lui a parlé au téléphone. Elle rigolait et disait « je suis désolée de vous avoir inquiété, mais ça va. Le médecin a dit que je sors demain. » On était dans la chambre d’Yvonne, quelqu’un était en train de la tresser. L’ambiance était normale. Comme on avait eu des nouvelles, je suis allée me coucher. Plus tard, on est venu m’apprendre la nouvelle. Comme on avait prévu un cadeau collectif du groupe, à part les autres cadeaux qu’elle avait eus, je pensais que c’était pour le cadeau qu’on me dérangeait. Alors j’ai demandé si ça ne pouvait pas attendre le lendemain, mais on m’a dit « Est-ce que je peux entrer, il se passe quelque chose » « Mais il se passe quoi ? Ça ne peut pas attendre demain ? » « Non, ça ne peut pas attendre demain. » Finalement, je me suis levée. Effectivement, ça ne pouvait pas attendre le lendemain.

C’était tellement incroyable que j’avais besoin de la voir pour être sûre que c’était vrai. Chez nous, il y a une tradition : si on n’a pas vu le corps de quelqu’un, on ne peut pas vraiment lui dire au revoir. C’est d’ailleurs pour cela que l’on fait des veillées avec le corps. Je me suis dit que je n’y croirais que quand je la verrai. Le matin, je suis allée à 7 heures, à l’hôpital avant que l’on m’emmène à la morgue. Je ne sais pas, j’ai eu une espèce de vide, comme une espèce de blanc.

Comme une bulle intérieure qui se forme pour se protéger.

Tout à fait, j’étais dans un état second. Un infirmier est venu, m’a emmenée dehors, et m’a fait asseoir sur un siège. Et je me suis dit « Oui, c’est vrai, alors ». Très étrange. J’ai toujours gardé son numéro de téléphone dans mon portable.

Tu as du mal à l’effacer ?

Ça me faisait bizarre parce parfois dans l’après-midi on s’appelait – on avait notre petit rituel : le thé et les petits biscuits – et ça ne se ferait plus. Carole a marqué ma vie, je suis reconnaissante au ciel de l’avoir connue. Bien sûr pas depuis aussi longtemps que Nicole [Amovin] ou Yvonne [Jones], mais si je ne crois pas que ce soit la durée qui compte

C’est la notion de partage.

C’est la qualité de la relation. Il y a des personnes avec qui j’ai travaillé durant dix ans, et on n’a jamais pris un verre ensemble ! Carole était vraiment une grande sœur que j’ai beaucoup appréciée. Je suis contente que maintenant il y ait une continuité avec sa sœur [Connie], par exemple, et son beau-frère [Jim].

Que penses-tu de la méthode d’apprentissage du français à travers les chansons de Carole, que Connie et Jim ont organisé ?

C’est formidable, cela permet aussi de perpétuer sa mémoire. Il y a toujours des gens qui la découvrent. On est dans la dixième année de sa disparition, donc quelqu’un qui a 15 ans ne la connaît pas. Je trouve que c’est une très bonne idée, par les supports pédagogiques, de pouvoir continuer à partager sa musique, partager son univers et qu’ils sachent que c’était quelqu’un de bien, qui est passé, qui est parti. L’héritage reste, c’est ce qui est important. Finalement, c’est l’œuvre de quelqu’un qui fait qu’on s’en souvient.

Ce sont de bons souvenirs, parce que chaque fois que j’en parle, il y a toujours un sourire qui apparaît sur le visage des gens.

Je ne connais pas de gens qui l’ont côtoyée qui ne l’appréciaient pas. Peut-être qu’il y en a, mais je n’en ai pas rencontré.

Je pense que ce que le public apprécie, c’est le parcours d’une Américaine…

En partant sans connaître personne en plus et faire la carrière qu’elle a faite…

Toi aussi, non ?

Ce n’est pas la même chose. Carole est arrivée, elle ne savait pas parler français du tout. J’avais de la famille en France et je viens d’un pays où je parlais déjà français. Je suis venue en France, j’avais 15 ans. J’étais pensionnaire dans un collège à Saint-Germain-en-Laye la semaine, et je passais les week-ends en famille et rentrais à l’école le lundi. Ma mère a étudié à Londres, mais mon père à Paris, on avait déjà un contact avec la France.

As-tu quelque chose à rajouter au sujet de Carole ?

Je trouve que c’est bien que des personnes qui ne l’ont pas connue de son vivant, ni même sa musique, la découvrent maintenant et arrivent à l’apprécier et à faire un travail comme des sites internet ou des hommages. Je trouve que c’est le plus cadeau pour un artiste. Je crois que cela fait grand plaisir à sa famille aussi et plus particulièrement à Connie de voir l’impact que Carole a eu sur les gens. Je sais qu’ils en avaient parlé lors de la cérémonie des obsèques. Ils étaient étonnés de voir la foule qui était présente, dans l’église et dehors où il y avait un monde fou. C’est émouvant parce qu’arriver à déplacer du monde comme ça, cela représente quelque chose. Je crois et j’espère que l’on ne l’oubliera jamais.

Pour les 10 ans de sa disparition, comme je suis illustratrice, je prépare une BD sur la vie de Carole. Cela va raconter son parcours de Springfield en passant par la Californie et Paris jusqu’à Dakar. Cette BD sortira aux éditions Dagan. J’en profite pour remercier Connie qui me fait partager des documents d’archives de son adolescence.

On a hâte de le découvrir. Je te remercie de nous avoir consacré du temps pour nous parler de Carole.

Merci.

vendredi 13 avril 2001

Interview Shine - Carole Fredericks

  • Interview Shine - Carole Fredericks
  • 13 avril 2000
  • Jean-Michel Royer

A l’occasion de l’ouverture de Shine, Carole Fredericks a bien voulu accepter l’invitation de son webmaster. Première rencontre avec l’artiste et première interview pour l’intervieweur...

Bonjour Carole !

Bonjour !

Tout d’abord merci d’avoir accepté l’invitation de Shine, un site internet que je t’ai consacré, afin de partager ma passion pour ta voix avec les autres internautes. Que penses-tu de cette initiative et d’internet ?

Je suis allée surfer sur le web et j’ai vu ton site, je le trouve vraiment, vraiment bien fait, complet. J’ai été étonnée de voir à quel point vous avez fouillé pour trouver des choses que même moi j’avais oubliées ! (rires). Mais vraiment c’est complet, bien fait, bien «balaise».

Si tu le veux bien, nous allons revenir sur quelques moments importants de ta carrière de soliste.

Ok.

Avant d’entamer une carrière de soliste en 1996, tu as eu l’occasion de rencontrer plusieurs fois Céline Dion et même de participer à l’enregistrement des deux albums que Jean-Jacques Goldman lui a écrit. Que penses-tu de sa voix, d’une part, et Céline t’a-t-elle parlé de tes talents vocaux ?

Beaucoup de questions à la fois ! (rires). Céline est une chanteuse qui m’épate depuis très longtemps, même avant sa collaboration avec Jean-Jacques. J’adore sa voix. Techniquement, au niveau du feeling, de ce qui sort d’elle, elle m’épate ! Sur scène c’est… pffffiuuuut ! J’adore sa voix, et depuis toujours. Maintenant, tout le monde parle de Céline Dion, mais jel’appréciais bien avant cela, parce que les deux voix francophones qui m’ont toujours frappée, ce sont les voix de Céline Dion et de Maurane. Et non elle ne m’a pas tout à fait dit « C’est bien ce que tu fais », mais j’ai participé à ses deux albums, et même avant cela j’avais eu l’occasion de chanter en duo « Knock on wood » avec elle, et ça c’était un super moment pour moi, on s’est éclatées, et elle m’avait dit que c’était bien...

On peut lire aussi sur ta biographie que tu as été choriste pour Elton John et Eric Clapton pour leur duo. Comment t’ont-ils connue, et comment s’est passée la rencontre avec ces deux superstars ?

C’était à l’époque des Eurythmics. J’avais une copine, Janiece Jamison qui était choriste pour eux… enfin choriste… c’est peu dire parce qu’elle faisait vraiment une deuxième voix avec Annie Lennox, et souvent je suis allée la voir, et j’ai rencontré Dave Stewart, Annie, et les autres musiciens. Dave a fait plusieurs séances en Angleterre et ici, auxquelles j’ai participé avec Janiece. Le batteur d’Eurythmics avait lui travaillé avec Elton et Eric, et comme ils cherchaient des filles, il leur a dit : « C’est pas la peine de chercher en Angleterre, je connais deux filles ici, qui sûrement en connaissent une troisième… », et ils nous ont appelées Janiece et moi, Beckie Bell nous a rejointes, et c’est comme ça que ça s’est fait, vraiment par hasard, grâce à de petits fils conducteurs qui partaient de Dave Stewart.

Tu fais de moins en moins de chœurs pour les autres depuis le début de ta carrière solo en 96… est-ce un choix de ta part ?

Pas du tout. Malheureusement, ici, dans ce métier, dès que tu commences à monter, à être sur le devant de la scène, les gens pensent que tu ne veux plus faire de chœurs. Alors que je ne me suis jamais arrêtée de faire des chœurs, je n’ai même jamais augmenté mon tarif, c’est toujours le même. Et c’est drôle parce que depuis quelques mois je refais des chœurs J’en avais fait sur l’album Sang pour sang de Johnny, avec une chanteuse qui s’appelle Tilley Kay, la semaine dernière j’étais avec Didier Barbelivien… Les gens recommencent à m’appeler, parce que je n’arrêtais pas de leur dire que je faisais toujours des chœurs, et que ça me faisait très plaisir d’en faire.

En 1996 sort ton premier album en solo, « Springfield », sur lequel on retrouve tes compagnons de tournée à la réalisation et à la composition, à savoir les ex-Canada : Erick Benzi, Jacques Vénéruzo, Gildas Arzel. Est-ce toi qui leur a demandé un coup de main, ou eux qui t’ont proposé leurs services ?

Ils font partie de la famille, donc il était évident pour nous de faire cet album ensemble. Ils s’y sont impliqués, tout comme Jean-Jacques et Yvonne Jones, avec laquelle je travaille depuis que je suis en France. Michael, lui, était en plein travail sur son propre album, c’est pour ça que je ne l’ai pas eu sur « Springfield », mais je l’ai eu pour mon deuxième (rires). Il fait aussi partie de la famille. Ils composent bien, et je préfère travailler avec des gens en qui j’ai confiance, avec lesquels j’ai l’habitude de travailler, qui sont capables de comprendre quel esprit je veux mettre dans une chanson. Et donc ils ont bien capté le côté blues et gospel «  made in France » (rires)

Que penses-tu de leur travail pour les autres artistes ?

Ce sont tous des hommes très doués, avec beaucoup de talent, et c’est pour ça qu’ils travaillent avec de plus en plus d’artistes.

Y a-t-il une chanson qui te marque ?

J’adore les chansons d’Erick (Benzi) pour Anggun. D’abord j’aime beaucoup la voix et la personnalité de cette dernière. Gildas, j’adore ce qu’il fait, j’adore sa voix, il a vraiment cette voix cassée de rocker, bluesman, un whisky en trop (rires). Jacques a fait de super choses, pour moi comme pour les autres.

Il travaille avec Ishtar…

Justement, je fais des chœurs pour Alabina la semaine prochaine.

Sur l’album on trouve un inconnu : Christophe Satterflied, compositeur de « No Rain ». Est-ce un ami de ton frère Taj Mahal ?

Non, c’est un musicien avec lequel j’ai bossé pendant un certain temps. Je lui ai demandé une chanson, et il m’a écrit celle-là, et j’ai tout de suite pensé que ça collerait bien. Maintenant on ne travaille plus ensemble, mais c’est quelqu’un de très talentueux.

Springfield ne connaît pas franchement le succès qu’on pouvait escompter, même si « Runaway Love », qui a servi de thème au film « Une chance pour 2 », de Patrice Leconte, a été plus diffusée. Sais-tu comment ce titre a été choisi, et en es-tu honorée ?

Oh oui, Patrice cherchait une chanson, tout le reste du film étant servi par une musique instrumentale. Il avait l’idée d’une chanson du style « Betty Davis’ eyes », quelque chose de ce genre, mais il ne savait pas vraiment où trouver une telle chanson, alors il a écouté plein de choses. Et sa monteuse lui a dit d’écouter mon disque en lui disant qu’il y trouverait ce qu’il voudrait. Il a donc écouté « Runaway Love » et a dit « C’est ça ! ». Et voilà, j’étais très flattée, d’autant plus que je ne suis pas seulement l’interprète du titre, mais aussi l’auteur. J’étais donc très fière de cela. Mais c’était par hasard ! Plein de choses m’arrivent par hasard. Mais ce sont des bons hasards !

L’année dernière sortait « Couleurs et parfums », un album en français contenant huit chansons originales, trois reprises et trois duos, le tout réalisé par Jacques Veneruso et Christophe Battaglia. Comment s’est passé l’enregistrement et le choix des chansons ?

Pour le choix des chansons, les gens qui savent que je cherche des chansons enregistrent des maquettes, me les font écouter, et pour moi c’est clair et net, tout de suite j’aime ou je n’aime pas. J’ai expressément demandé des chansons à Michael, à Jay-Jay, à Yvonne Jones… Jacques m’a aussi filé plein de chansons à l’époque de «  Personne ne saurait ». Beaucoup de gens m’ont fait écouter des chansons, mais… J’ai donc choisi les chansons qui m’avaient tout de suite fait vibrer.

Parmi les reprises de l’album, on retrouve « J’ai le sang blues », anciennement « BLUES », de Nanette Workman, une rockeuse canadienne. As-tu entendu la version de Nanette avant d’enregistrer la tienne ?

Non, non, je ne l’ai pas entendue. Je ne l’ai écoutée qu’après, parce que je ne voulais pas être influencée par la façon dont elle l’avait faite, d’autant plus que j’adore « BLUES ». Je me suis dit : « Fais ta version , et après tu écoutes l’autre ! ». C’est Jacques qui m’a proposé de la reprendre, à partir d’une maquette qu’il avait faite et sur laquelle il chantait très bien. Alors j’ai dit ok. Je voulais faire un morceau de rap, et on trouvait le mélange du rap, du blues et de la guitare vraiment très bien, alors voilà, ça a bien fonctionné.

Dernièrement, à la télé ou sur scène lors de tes concerts à l’Auditorium Saint-Germain en décembre, tu as souvent interprété « Savoir aimer » avec Allan Théo, et tu as l’air d’apprécier cette chanson écrite par Lionel Florence. N’as tu pas été tentée par une collaboration avec ce dernier sur « Couleurs et parfums » ?

Non. C’est vrai « Savoir aimer », j’adore cette chanson, j’adore le texte ; de toute façon j’adore les chansons d’amour. J’adore la façon dont Florent [Pagny] a interprété cette chanson, et j’étais très contente de la faire avec Allan Théo, parce que même si nous avons deux voix complètement différentes, elles se marient très bien. Donc si Lionel Florence me propose quelque chose pourquoi pas, mais là, je n’y ai pas pensé.

A l’Auditorium on a pu voir le discret mais néanmoins génie de la guitare Gildas Arzel, compositeur de quatre titres sur Springfield, dont « Runaway Love », venir jouer un solo de guitare sur ce titre. Peux-tu nous le présenter ?

Je ne savais même pas qu’il était là. Il est monté sur scène de lui-même, comme ça, il a fait son solo et après il est parti (rires).

Parmi les guests de l’Auditorium, entre Goldman, Jones, Arzel, Pelletier, Faudel, lequel t’a le plus marqué et impressionné ?

Oh c’est difficile à dire ! Il y a aussi Carry des Poetic Lovers qui a chanté avec moi. J’étais tellement ravie d’avoir cette belle brochette de chanteurs qui voulaient venir, se déplacer pour chanter avec moi et tous interpréter des chansons différemment, c’est difficile de choisir… Jean-Jacques et Michael, je me suis retrouvée avec mes chéris, donc c’est toujours bien avec eux.

Mais j’ai été fortement touchée par Faudel, par Bruno Pelletier, parce que qu’il dise qu’il voulait chanter avec moi, c’était dingue ! Mais « Knock on wood » façon maghrébine avec Faudel c’était très très très bien, « Personne ne saurait » avec Bruno, j’étais sur un nuage, tout comme avec Carrie d’ailleurs. Il y avait aussi « Kai Djallema », avec Nicole Amovin, qui est ma petite sœur de lait, et c’est une chanson qu’on chante ensemble depuis des années, et faire ça sur scène, c’était génial ! Mais c’est difficile, parce que je me suis éclatée avec tous, en privilégier un seul serait donc difficile… Entre Faudel, Bruno et Alan tous les soirs, j’ai été gâtée ! C’est comme si l’on m’avait offert une boîte de très bons chocolats, parmi lesquels vous me demanderiez de choisir … Tous sont excellents ! !

As-tu des rêves, des projets, que tu aimerais voir se concrétiser bientôt ?

Oh oui, j’ai beaucoup de rêves ! Je rêve d’avoir vraiment un public qui me suive, qui veuille venir me voir, parce que c’est très important pour moi d’avoir ce public quand je suis sur scène. Sur scène, c’est là que je vis le plus. J’aimerais bien être ce genre d’artiste qui a un public qui le/la suit, qui se déplace pour le/la voir. Ce serait un immense rêve pour moi !

Et des projets de duos ?

Il y a toujours des projets de duos, il y a un disque qui est sorti récemment pour aider les enfants, j’y ai chanté en duo avec Lââm, une jeune artiste pleine de talent que j’apprécie énormément ! ! Et ça m’a fait vraiment plaisir. J’ai rencontré récemment une autre chanteuse qui s’appelle Nourith, j’aimerais bien faire quelque chose avec elle… J’adore en fait chanter avec les autres !

samedi 1 juillet 2000

travelprice.com

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  • 1er au 7 mai 1999
  • Carole Morgane

Elle est américaine, née à Springfield dans le Massachusetts. Lorsqu’elle arrive à Paris c’est comme choriste qu’elle va démarrer la chanson. Par chance elle va croiser le chemin de Jean-Jacques Goldman qui ne va pas rester insensible à sa sublime voix. Très vite va se créer le célèbre trio Fredericks Goldman Jones qui va lancer la carrière de Carole. Aujourd’hui chanteuse à part entière elle est en tournée pour la promotion de son prochain album.

Que représentent pour toi les vacances ?

Lorsque je pars en vacances j’ai autant besoin de me reposer que de faire la fête. Je n’imagine pas l’un sans l’autre. D’autant que lorsque je pars en vacances j’en profite souvent pour aller voir mes amis qui habitent aux quatre coins du monde.

Quelle est ta destination préférée ?

Le Sénégal, la Suède et l’île de la Réunion. J’adore ces 3 pays qui sont complètement différents les uns des autres mais tous les 3 sublimes, en plus j’y ai des amis très proches là-bas.

Lorsque tu vas dans ces pays est ce que tu loges à l’hôtel ou plutôt chez des amis ?

En général je me trouve plutôt un petit hôtel car même en vacances j’aime bien avoir mon indépendance. Mais je trouve un hôtel près de chez mes amis car je suis tout le temps avec eux. Au Sénégal, par contre je loge chez les habitants. Là-bas, ils m’ont adoptée, c’est comme si je faisais partie de leur famille, ils seraient vexés que j’aille à l’hôtel !

Peux-tu me donner une adresse où tu vas boire un verre ou dîner ?

Lorsque je vais en Suède, mon endroit préféré : c’est le café opéra. A l’île de la Réunion c’est la Saint-Suzanne à Saint-Leu. Au Sénégal ce sont mes amis qui me préparent des petits plats locaux, alors je ne peux pas te donner leur adresse sinon tout le monde va débarquer chez eux tellement ils cuisinent bien !

As tu une devise de voyageuse ?

Ne pas programmer les choses, laisser faire la vie.

Le pays de tes rêves ?

Mon rêve c’est l’Australie. Je n’y suis jamais allée. Il faudrait que j’ai beaucoup de temps car c’est très loin, c’est immense et il y a pleins de choses que j’ai envie de voir là-bas.

Peux tu me raconter une anecdote lors d’un de tes nombreux voyages ?

Oui, j’en ai une très mignonne. En 1989, j’étais partie en vacances à Bali. Là-bas les habitants n’avaient jamais vu de personne à la couleur de peau noire comme moi. La seule personne noire qu’ils connaissaient était Mike Tyson ! Un jour je me baladais dans la rue et je me suis retrouvée avec pleins de balinais qui couraient derrière moi en criant « Hey Mike tyson, Mike tyson ! ! ! »

Quel est ton meilleur souvenir ?

Deux semaines de vacances aux îles Seychelles. C’était au mois de février, l’endroit était désert, je me suis baignée dans l’océan indien, un vrai bonheur, c’était génial.

Quel est ton pire souvenir ?

C’est au Cambodge en 1992. Je faisais un concert là-bas avec Jean-Jacques Goldman. J’étais mal à l’aise dans ce pays, il y avait des ondes négatives, je me sentais oppressée, je pensais à toutes les tueries qu’il y eu là-bas, toute cette histoire très lourde, l’atmosphère était négative. En plus un jour je devais prendre le bateau et je ne sais pas pourquoi, mais j’ai refusé d’y aller j’avais comme un pressentiment. J’ai bien fait de suivre mon instinct car le bateau s’est retourné, il a chaviré ! Je ne le sentais vraiment pas bien dans ce pays. Par contre après nous sommes allés au Vietnam, j’ai adoré.

5 mots = 5 destinations

Passion = Italie, Sérénité = Sénégal, Culture = Suède, Fête = France (dans le Nord Pas de Calais), Dépaysement = Seychelles

Quels sont tes projets ?

Je finis ma tournée d’été pour la promotion de mon album puis je pars me reposer à Cabourg et je vais ensuite à Vichy dans un centre de remise en forme. En Septembre, Jean-Jacques Goldman sort l’album « Pluriel », ce sont les meilleurs morceaux de Fredericks, Goldman, Jones.

mercredi 21 juin 2000

Interview Shine - Christophe Battaglia

  • Interview Shine - Christophe Battaglia
  • Levallois, 21 juin 2000
  • Jean-Michel Royer

Je sais que tu es internaute et j’aurais voulu savoir ce que tu pensais, en tant que réalisateur et compositeur, des MP3 et d’Internet en général ?

Pour mon travail, c’est déjà un outil formidable parce que ça nous permet avec les gens avec qui je travaille d’échanger des idées, souvent quand on travaille sur un projet, on n’est pas forcément les uns à côté des autres et grâce au MP3, on peut s’envoyer des maquettes. Pour la petite anecdote, c’est comme ça qu’on a fait Aller plus haut pour Tina Arena ça nous a vraiment très bien servi, Robert (Goldman) était en vacances en Suisse, il m’a laissé une maquette et tous les soirs j’envoyais la version arrangée avec ses modifications donc toute la semaine on s’est envoyé des versions par MP3, il est rentré à Paris au bout d’une semaine: on est resté une 1/2 journée ensemble, on est rentré immédiatement en studio : c’est une des premières applications du MP3.

Moi dans mon travail, outre qu’on puisse télécharger un album entier par MP3, que ça soit légal ou illégal malheureusement je suis contre. En particulier Naspster, il n’est pas normal qu’on puisse télécharger des albums entiers sans reverser des droits. Mais bon, Internet, c’est un espace de liberté, à mon avis ça va faire comme les radios, pendant des années ça va être la foire et puis dans 5/6 ans, il ne va rester que les grosses sociétés et cet espace va se réduire, tout va devenir payant. On commence à le voir avec Ibazar qui avait un service d’achat gratuit et qui est devenu payant, ça va se généraliser à mon avis. Internet et MP3, ça reste vraiment des outils puissants vraiment formidables. En fait, comme tous les outils, avec un marteau on peut construire une maison mais on peut aussi la casser : ça dépend comme on s’en sert. C’est un peu ma vision d’internet.

Si tu le veux bien, nous allons passer en revue ta rencontre avec Carole, qui, je crois, date de 1996 pour un remix de « Jesus In Me » en version dance. Comment as tu été contacté ?

Je travaillais déjà avec Robert sur ses maquettes. Quand je suis arrivé à Paris, j’ai travaillé dans un studio où l’on faisait énormément de dance, on a même fait un projet dance avec Robert, ça ne lui avait pas déplu. Pour « Springfield », il a fallu faire le choix du premier single, on a trouvé que c’était une chanson musicale donc Robert a pensé à moi, Erick (Benzi) a réalisé l’album et me fait plus confiance pour ce qui est plus dance. Il sait que j’ai fait pendant deux ans, comme moi pour la musique africaine, je n’ai pas beaucoup d’expériences mais on vient de faire un album ensemble.

Comment s’est passé la rencontre avec Carole ?

Ça s’est très bien passé. C’était lors d’un concert Fredericks Goldman Jones quand j’étais à Paris. On est allé au restaurant après le concert avec Michael Jones, Jean-Jacques, Carole et tout le staff. A l’époque je travaillais avec Gildas (Arzel).

Est-ce suite au remix de « Jesus in Me » que tu as pu réaliser « Couleurs et Parfums » ?

Non, ça ne s’est pas passé comme ça. Carole sortait d’un album de blues et Jacques avait une chanson qui s’appelait « Personne ne saurait ». Erick était pris, Jacques a essayé de la faire avec moi, je travaillais habituellement avec Robert Goldman. Jacques et moi on se connaissait déjà car Erick et moi faisons partie de la même famille, mon père avait un magasin de musique où Gildas et Jacques venaient acheter leurs instruments. On a fait la première expérience sur « Personne ne saurait », il se trouve que ça a bien marché, pour un premier coup c’était un essai réussi. C’est à partir de là, qu’on a décidé de faire l’album ensemble. « Couleurs et parfums » c’est ta première réalisation ?

J’avais fait mes classes avec Leyla Doriane « Les Jardins de Lumière », c’est un morceau que j’ai écris avec Cyril Tarquiny (le guitariste de Carole). Grâce à ça, ça m’a permis de m’émanciper et de faire voir mon travail comme une carte de visite, il se trouve que ça leur a plu, que j’ai fais mes preuves. Le style est proche du leur. Pourquoi ne pas essayer avec Christophe ? Vu qu’Erick est pris. C’est même Erick qui me l’a proposé.

Tu viens de dire que tu étais compositeur, as-tu essayé pour le dernier album de Carole ?

Je m’y suis penché, je n’ai pas eu le temps de finir la chanson. Comme ça c’est fait très vite, on a fait l’album en 1 mois et demi. On a loué un studio de répétition, je travaillais de 10 heures du matin jusqu’à 22 heures sur les chansons que les gens apportaient, il se trouve que j’en avais une ou deux. J’en avais une qu’on devait faire et j’ai tellement de travail sur l’album de Carole que je n’ai pas eu le temps de la faire. Peut être sur le prochain puisque les chansons sont déjà prêtes.

Le 20 mars dernier, vous avez réenregistré « Le prix à payer » Pourquoi ?

Quand on a une version album, on aime bien avoir des différences pour le single notamment dans la structure. Il se trouve que l’album de Carole a été fait il y a 1 an et demi, on a senti le besoin de changer quelques trucs pour le rendre plus actuel, plus radiophonique.

On note aussi la participation de J.Kapler alias Robert Goldman (auteur-compositeur de « Aller plus haut » interprété par Tina Arena).

Il se trouve qu’il est le producteur de l’album au sens financier. Quand on a fait l’album, il n’y a avait pas eu Tina Arena. Il avait quelques petites idées, Jacques aussi. On a fait ça collégialement à trois.

En tant que réalisateur et compositeur que penses-tu des talents vocaux de Carole ?

J’apprécie la femme qui est quelqu’un qu’il faut absolument connaître, elle a une personnalité qui est forte et intéressante, elle a une sensibilité d’artiste très poussée. On a envie de se dépasser pour elle, elle interprète magnifiquement les chansons, elle comprend très très vite la façon d’interpréter une chanson : c’est une énorme qualité. Si on a fait un album en un mois et demi, c’est aussi grâce à elle, on répétait les chansons la journée, le soir elle les enregistrait. C’est toujours agréable de travailler avec des gens qui maîtrisent leur voix, pas de problèmes de justesse, même quand elle est malade. Ça a été une vraie rencontre avec elle, on continuera ensemble.

Quels sont tes projets en cours ?

Le prochain album de Yannick Noah [NDLR : sortie le 22 août 2000 chez Columbia/Sony Music], d’ailleurs je reviens du Cameroun ou on a passé 6 jours à tourner le premier single et aussi un reportage de 25 minutes sur l’enregistrement de l’album de reggae africain. Je suis en cours de mixage, ça s’est terminé le 5 juillet. J’enchaîne avec Gildas Arzel, on a eu un mois de prises à terminer pour enchaîner vers les mix qui devraient être prêts fin août. J’ai aussi participé à l’album d’Anggun sur un morceau « Derrière la porte » que j’ai arrangé avec Erick, que nous avons mixé au studio d’Erick « Le Bateau Lune », très bonne expérience d’ailleurs, c’était la première fois qu’un mix commercial sortait du studio.

Interview Shine - Jacques Veneruso

  • Interview Shine - Jacques Veneruso
  • 21 juin 2000
  • Jean-Michel Royer

En tant qu’auteur compositeur, quelle est ta position face à Internet et au MP3 ?

Je suis très partagé sur la question car je n’y suis pas en tant que consommateur, je commence à y entrer pour le travail mais très ponctuellement. Par contre au niveau du phénomène MP3 et piratage, là évidemment Internet c’est la liberté, y’a de l’excès, y’a plus de frontières. Je pense qu’on a lâché le MP3 mais on n’en connaissait pas les limites. Des fois, ça me fait penser (je vais peut-être un peu loin) au nucléaire, même quand on est écologique de très bon côté, le nucléaire ça sert à sauver des vies, à réchauffer des gens, à vivre par contre on ne sait pas comment l’arrêter quand il y a un problème. Là, c’est pareil.

Si tu le veux bien, nous allons revenir sur quelques moments importants de ta collaboration avec Carole qui remonte, si je ne me trompe pas, à 1986/1988 lors de sa tournée solo de Jean-Jacques Goldman dont tu assurais la première partie avec tes complices de Canada. Comment s’est passée la rencontre, à cette époque-là, avec Carole ?

Tout simplement. Comme avec Jean-Jacques, on s’était croisé, je m’en rappellerai toujours, dans un aéroport où lui il partait et nous on arrivait. On n’était pas au courant qu’il nous connaissait avec la chanson « Mourir les sirènes » qui marchait beaucoup. On se croise, il nous dit juste « J’adore ce que vous faites. Faut qu’on se revoie ». Ca nous a fait plaisir bien sûr et la semaine d’après, il nous a invités au Studio 22. On ne s’est jamais perdu de vue. Il nous a proposé de faire sa première partie dans les Arènes de Nîmes, on l’a faîte. On a fait la connaissance de Carole. Moi, j’ai toujours été fan de musique black, je suis tombé dans le blues quand j’étais petit. Quand j’ai eu l’opportunité de croiser quelqu’un comme Carole qui peut vraiment revendiquer le fait de chanter dans l’esprit du Blues et qui peut revendiquer à 100%, y’a qu’elle !! Une dizaine d’années plus tard, tu composes quatre titres et joues de la guitare sur son album « Springfield ».

Comment as-tu élaboré ces morceaux de blues et de gospel qui ne sont pas habituels à ce que tu avais fait avant pour Florent Pagny ou Johnny Hallyday ?

C’était différent de ce que j’avais fait mais justement c’était l’opportunité pour exprimer quelque chose. Ca m’arrive pas souvent dans ce genre de musique, je suis toujours aller écouter, je faisais ça naturellement, comme les chansons pour Florent. D’ailleurs c’est toujours les chansons qui viennent du cœur. Le blues et le gospel, ça vient du cœur aussi après c’est une question de couleur.

En 1996, sort « Une à Une » de Nanette Workman qui a fait un tabac au Canada et sur « Une à Une », on trouve « B.L.U.E.S » qui ressemble étrangement à « J’ai le sang blues » qu’on retrouve sur « Couleurs et Parfums ». As-tu voulu donner une nouvelle chance à cette chansons peut-être pas terminer à ton goût ?

Complètement. C’est une chanson que j’adore, que j’adorerais par Nanette. Nanette, c’est quelqu’un d’exceptionnelle. C’est la plus grande chanteuse de rock blanche que je connaisse. On a fait la chanson et en France, l’album a un succès très très très limité. Cette chanson, je l’adorerais. Quand j’ai eu à composer pour Carole et quand dans un des textes « B.L.U.E.S, j’ai le sang blues » ça correspondait trop au concept qu’on voulait de « Couleurs et Parfums » dans l’album de Carole. C’était le mélange de musique black et de racines et le côté moderne qui n’était pas dans le version de Nanette, c’est plus rock, c’est le thème de chanson : ce n’était pas possible de ne pas le faire. On l’a remanié et puis bon c’est une chance, un autre profil à la même chanson, mais le cœur reste le même. Elles pourraient la chanter ensemble. Je ne désespère pas que ça se fasse un jour.

Comment as-tu été amené à travailler avec Nanette Workman ?

Nanette, c’est une histoire particulière, si tu veux je te la raconte vite fait. Nanette Workman, en 1977, dans Starmania, elle chante « Quand on arrive en ville » et « Naziland » : Gildas, Gween et moi, à l’époque, on n’écoutait que ses deux chansons. On se demandait qui était cette chanteuse ? Quand on l’a vue en plus, physiquement magnifique. Par le hasard, 20 ans après, son producteur et elle ont écouté l’album de Gildas [NB : « Les gens du voyage » sorti en 1991] où il y a « In the twilght » que j’avais composé vers la fin de Canada. Gildas l’a mis sur son album et elle a entendu ça, ça correspondait à son univers. Elle a voulu connaître Gildas et toute sa famille : c’est Gildas qui a fait la connection.

C’est donc grâce aux chansons de Gildas reprises de ses albums solo par d’autres artistes [Johnny Hallyday « Ne m’oublie pas » (single inédit de Canada) en 1995 sur « Lorada » - Roch Voisine « Jean Johnny Jean » en 1995 et « Mourir les sirènes » en 1998 sur « Chaque feu »] …

Le contact avec Roch Voisine s’était fait aussi dans le même album « Coup de Tête » avec une chanson « Seine et Saint Laurent », c’est la première chanson que j’ai écrite pour quelqu’un d’autre après Canada. On est une famille, quand il y a un qui a l’intention de travailler avec un artiste, il amène les autres.

Est-ce plus facile d’écrire pour quelqu’un qu’on connaît, l’inspiration vient-elle plus facilement ?

Y’a deux formations. Soit je travaille pour quelqu’un qui a de la personnalité et que je connais personnellement mais qui a une image marquée comme Johnny, tu as déjà un moule pour travailler, tu peux pas trop en sortir. Ou si par contre l’artiste n’a pas de personnalitée marquée, il faut que je la connaisse : je ne suis pas un fabricant de chansons. Chaque chanson que j’ai écrite pour quelqu’un d’autre, je les ai d’abord écrites pour moi. Je peux pas les faire chanter à n’importe qui.

En été 1998, sort « Personne ne saurait » que Carole chante avec les Poetic Lover, dont tu es le compositeur. Comment as-tu réagi face à ce succès ?

C’est vrai en tant que single car y’a d’autres chansons qui sont restés sur les albums, ça dépend toujours de qui, il y a côté de toi dans les albums. Malheureusement, il y a des gens qui jugent par rapport à la signature plus que par rapport à la chanson : j’ai toujours lutté contre ça et j’espère qu’on ne prendra pas une de mes chansons parce qu’elle est signée Veneruso qu’on les écoutera avant. Pour Personne ne saurait, ce qui a été agréable, c’est la collaboration avec Jean-Jacques. Je lui ai fait écouté la maquette chantée en yaourt, on avait le projet de faire un duo avec les Poetic Lover. J’ai fait écouté la chanson et il m’a dit « il faut que je fasse le texte », je lui ai dit « Vas-y ». Normalement, je fais mes textes. Ca nous a fait plaisir et le résultat était sympa. C’est agréable, je ne peux dire le contraire, de faire une chanson qui se popularise. Ca rapporte un plaisir, une certaine reconnaissance et voir aussi les gens qui te chantent, c’est magique. J’avais déjà connu ça avec « Mourir les sirènes » [NB : Jacques en a écrit le texte et la musique. A l’époque, le groupe signait collectivement. Aujourd’hui, quand quelqu’un reprend une chanson écrite à l’époque, il marque celui qui l’a écrite plus Canada]

As-tu un message à faire passer à Carole ?

Certainement. Je crois qu’en définitive il y a des gens qui m’ont fait confiance, il y en a d’autres pour qui il y a fallu que je prouve beaucoup de choses. Carole, il n’y en a pas fallu beaucoup. Je voulais la remercier parce qu’elle m’a fait confiance pour un album, pour écrire pour elle. En plus, c’est pas un truc de petites minettes de seize ans pour travailler avec quelqu’un. Elle aurait pu en prendre d’autres sans problème.